Je vous annonçais mon européen d’aujourd’hui ici. Voici donc le full portrait d’un personnage exceptionnel :
Oxana Munteanu est une européenne. Plus précisément, elle est une Roumaine de Moldavie qui a vit un bel épisode de sa vie à Strasbourg jusqu’en 2014, quand sa famille a dû quitter la France est retourner en Moldavie.
UN NOUVEAU DÉBUT : STRASBOURG
Oxana quitte Chisinau, la capitale moldave, et arrive à Strasbourg en 2009, en suivant l’amour de sa vie et son futur mari, Victor, qui était fonctionnaire dans le cadre du Conseil de l’Europe. Une rupture assez brutale et bouleversante avec son pays natal, tout d’abord parce qu’elle ne parlait pas très bien le français et puis parce qu’elle ne connaissait personne à Strasbourg sauf son futur mari. Oxana me raconte très émue que, finalement, elle a eu un accueil très chaleureux ici, grâce aux amis de son mari qui ont été très ouverts et qui l’ont beaucoup soutenue dans cette nouvelle vie et, ultérieurement, dans la réalisation de ses rêves.
De métier dentiste, elle n’a pas pu équivaloir son diplôme en stomatologie en France – un processus trop long et trop alambiqué – et c’est ainsi qu’elle se retrouve sans occupation. Mais ça n’a pas duré car, à peine arrivée à Strasbourg, l’Amicale des femmes du Conseil de l’Europe a invité Oxana à les rejoindre. Et c’est ainsi que sa vie strasbourgeoise commence à prendre forme.
En plus des cours de français, notre héroïne participe dans le cadre de l’Amicale à un atelier de création de bijoux. Ayant déjà une personnalité très créative et un esprit ouvert, elle commence à confectionner des petits trésors pour soi-même, mais qui seront vite remarqués par son entourage…
« KASANDRUTA »
Un jour, apparaît l’idée d’organiser avec ses amies strasbourgeoises des réunions créatives : pique-niques à thématique, conversations avec des personnalités ou ateliers de création. C’est ainsi qu’est né le projet Atelier de Style : périodiquement, Oxana et son équipe organisent des événements créatifs auxquels participeront essentiellement les membres de la diaspora moldave et roumaine à Strasbourg. C’est notamment dans ce contexte que les gens remarqueront les bijoux qu’elle porte, créés par elle-même : des boucles d’oreille en velours ou encore des broches ressemblant à des magnifiques fleurs de printemps.
Comme me dit Oxana : d’abord, il y a eu la demande et seulement après – l’offre. Naît alors la marque KASANDRUTA : des collections de bijoux ornés de velours ou des pierres naturelles, mais l’idée d’une collection de robes ne la quitte pas :
Je portais mes propres créations, que ce soit des bijoux ou des robes et les gens me demandaient toujours ou je les ai achetées. Je me suis dit alors que je pourrais créer une collection de robes unies, par exemple, pour que ce soit facile à les accessoiriser.
Son petit business commence à se développer à Strasbourg. Mais, bientôt, Oxana et sa famille devront quitter la capitale européenne par cause de fin de contrat de son mari et retourner à Chisinau, en Moldavie. Même si c’est avec une grande tristesse qu’ils laisseront cette ville qu’ils ont appris à aimer, tout n’est pas perdu, car c’est en Moldavie que Oxana va finalement réaliser son rêve.
RÉALISATION D’UN RÊVE
Aujourd’hui mère de trois superbes enfants (nés tous les trois le 3 mars!), Oxana dirige une petite entreprise, vouée à un grand avenir : sa marque Kasandruta prend de l’ampleur. Lancée à Chisinau en décembre 2015 lors d’un événement caritatif, Oxana et sa collection de robes en velours ont défilé sur le podium de la Strasbourg Fashion Week le 25 mai 2016. Bien évidemment, le succès a été immédiat. En plus des compliments et des félicitations de rigueur, Oxana est retournée en Moldavie avec une nouvelle clientèle, conquise définitivement par ses créations. Mais comment est née cette collection ?
Tout d’abord, je dois dire que je ne me considère pas un créateur. Cette première collection de robes représente la réalisation d’un rêve. Et je me rends compte que cela a été possible grâce à mon retour en Moldavie, car chez nous la main d’œuvre qualifiée coûte moins cher qu’en France.
Mon idée était de faire que du sur-mesure et des pièces uniques : chaque collection sera vendue tant que telle, sans multiplier les modèles. Ainsi, chacune de mes clientes portera une pièce unique dans le monde.
J’aime beaucoup le style des années ’20, notamment les robes à taille basse, les coupes droites et souples. Un jour, une dame m’a offert une vieille robe en velours noir, que j’ai restauré et j’ai commencé à porter. J’ai été étonnée de voir combien cette robe est élégante mais facile à porter en même temps. Et c’est ainsi que j’ai décidé de créer cette collection d’inspiration vintage. Le velours étant une matière assez prétentieuse, qui ne se moule pas sur le corps, les robes sont larges et ont une coupe droite. Et puisque j’aime beaucoup notre culture traditionnelle roumaine, j’en ai inséré sur certains modèles des éléments du costume folklorique roumain brodés à la machine.
Les robes sont assez chères (comptez environ 400€ pour une robe), mais le fait qu’elles soient réalisées à la main et sur mesure, la haute qualité des matières utilisées ainsi que leur unicité justifie, à mon sens, le prix.
Cette collection, intitulée Lettres en velours (“Calimara cu scrisori” en roumain), est réalisée en collaboration avec l’auteur moldave Viorica Nagacevschi, qui a eu l’idée d’écrire une lettre de la part de chaque robe destinée à sa future propriétaire (télécharger une des lettres ici) et qui a créé elle-même certaines pièces de la collection. Ainsi, une histoire propre à chacune de ces robes vient compléter leur unicité.
J’en profite pour vous dévoiler un petit secret : ma prochaine collection sera entièrement inspirée de la blouse roumaine : des robes en lin ou en coton ornées de broderies et dentelles traditionnelles. Je sais bien que la tendance folklorique est très populaire en ce moment, mais je veux l’utiliser à ma manière et je suis sûre que le résultat plaira à mes clientes. La collection sera complétée comme d’habitude par des bijoux, mais aussi par des chapeaux en paille ornés par moi-même et des petits cabas brodés, en lin également – l’accessoire parfait pour l’été !
Quels sont tes projets ?
J’aimerais revenir à Strasbourg est continuer mon parcours de créateur ici. D’ailleurs, j’ai vendu la première robe de la collection « Lettres en velours » à Strasbourg et il y a d’autres pièces qui sont allées à Paris. La clientèle française s’est montrée très sensible à mes créations et je souhaite en effet m’orienter plutôt vers la France et l’occident.
Vous l’auriez compris : Oxana ne manque jamais d’inspiration et the best is yet to come ! Sachez que si vous avez un coup de cœur pour une de ses robes ou ses accessoires, vous pouvez vous faire livrer en France ! Il suffit de contacter Oxana sur sa page facebook Kasandruta ou en laissant un commentaire à cet article pour plus de détails.
Voici pour la partie création. Mais j’ai profité de cette rencontre avec Oxana pour essayer de dresser le portrait d’une autre Europe : une Europe bloquée dans les intérêts géopolitiques, les crises économiques, le conservatisme. Cependant, ces difficultés encouragent de plus en plus les gens de s’affirmer, de s’émanciper, de donner libre cours à leur imagination et devenir maîtres de leur propre destin. Oxana et son mari n’en sont qu’un exemple.
Quand je suis arrivée ici, je portais que des robes avec des escarpins, toujours maquillée et coiffée, comme en Moldavie. Les français privilégient le confort et la simplicité.
Raconte-moi ton expérience à Strasbourg : comment s’est passé ton arrivée, ton intégration ?
Mon déménagement à Strasbourg a été assez bouleversant. Mais mon amour Victor m’a fait connaissance immédiatement avec ses amis, grâce auxquels cette transition s’est passée beaucoup mieux.
Bouleversant aussi quant à mon style personnel : quand je suis arrivée ici, je portais que des robes avec des escarpins, toujours maquillée et coiffée, comme en Moldavie.
Tu penses que c’était un excès ?
Tout le monde tournait la tête après moi quand j’étais dans la rue. Je sais maintenant que c’était assez inhabituel pour une tenue quotidienne en France. Après j’ai eu nos enfants et, respectivement, moins d’occasions de m’habiller ainsi. Les jeans et les mocassins ont alors eu priorité.
D’où crois-tu que viens cette différence de goût entre l’Est et l’Ouest ?
Les français privilégient le confort et la simplicité, ils ne comprennent pas pourquoi faire tant d’effort tous les jours. Alors que moi, même si à présent je ne porte plus des talons si hauts comme avant (car la santé est prioritaire) j’aime beaucoup m’habiller ainsi, je me sens plus féminine en portant des robes, des escarpins, en me coiffant et en me maquillant tous les jours. Et je ne le fais pas pour quelqu’un d’autre mais pour moi-même. Toutefois, je ne crois pas que mon style soit exagéré.
Peux-tu dire que Strasbourg est une ville ouverte, cosmopolite ?
C’est une ville ouverte mais pas vraiment cosmopolite. Ça reste une province. Par exemple, mon problème c’était toujours les salons de beauté. L’offre n’est pas très variée car il n’y a pas assez de demande je pense, les prix étant toutefois très élevés. J’ai eu de très mauvaises expériences au coiffeur, surtout au début de mon séjour à Strasbourg…
Dans l’Est de l’Europe, la beauté est prioritaire. Une femme prend soin d’elle avec beaucoup plus d’attention. Ça manque à Strasbourg…
Dans l’Est de l’Europe, la beauté est prioritaire. Une femme prend soin d’elle avec beaucoup plus d’attention : sa manucure, pédicure ou coiffure sont toujours impeccables. Ça manque à Strasbourg. Par conséquent j’ai appris à tout faire moi-même.
De même en ce qui concerne la mode : ce secteur n’est pas beaucoup développé à Strasbourg, il y a très peu d’événements fashion dignes d’intérêt.
Mais on se dit que les gens n’ont peut-être pas envie d’y aller…
Ce n’est pas vrai. Si on organise quelque chose une fois, deux fois et ainsi de suite, les gens vont s’intéresser plus. Regardez la Strasbourg Fashion Week : cet événement a progressé énormément depuis ses débuts et le public devient plus réceptif avec chaque nouvelle édition.
Et en ce qui concerne les magasins ?
On trouve un peu de tout, c’est vrai, mais comme dit : seulement ce qui est demandé le plus. Par exemple, c’est difficile de trouver une belle robe de soirée car il n’y a pas beaucoup événements demandant ce genre de tenue.
Pourquoi penses-tu que les femmes de l’Est sont plus préoccupées de leur extérieur que les femmes occidentales ?
Je pense que c’est pour montrer à la société qu’elles sont supérieures, qu’elles peuvent être plus qu’une mère de foyer.
Je vais vous raconter une histoire : un jour, la maîtresse de mon fils a posé une devinette à la classe : « qui est le serveur de la maison ? » Beaucoup d’enfants ont répondu maman, l’épouse ou la femme, alors que la réponse était le cadenas (car il protège la maison quand tous sont partis). Ça montre l’attitude envers la femme dans leurs familles respectives et dans la société en général : la femme doit s’occuper de la famille, de la maison, de son mari. Par conséquent, leur extérieur est comme une soupape de liberté.
Tu penses que tu peux contribuer à l’émancipation des femmes de Moldavie ?
Oui, en créant des lieux de travail pour les femmes qui réalisent mes robes et certains de mes bijoux.
Que ferais tu si un jour tu trouves une femme très talentueuse qui sait tout faire mais qui se heurte au refus de son mari de la laisser travailler dans ton atelier ? Aurais-tu un conseil à lui donner ?
Je pense que c’est à elle toute seule de décider quelles sont ses priorités. Je l’encouragerais de discuter avec son mari, de tout mettre sur la table et de lui expliquer ses motivations.
Peux-tu me dire comment Strasbourg, capitale de l’Europe et l’Union européenne ont changé ta vie ?
J’ai connu grâce à l’Europe une meilleure vie : la démocratie, des citoyens européens qui se sentent protégés, qui disposent d’un système de santé moderne et responsable, des citoyens qui profitent de ces privilèges mais qui respectent aussi leurs obligations. Grâce à cette expérience de vie, je regarde aujourd’hui autrement Chisinau et la Moldavie, mais aussi Strasbourg.
Je suis une Roumaine de Moldavie et je n’oublierais jamais mais racines, mais je me sens tout d’abord une européenne. J’aimerais pouvoir dire un jour que tous les Moldaves sont européens.
Récemment, Kasandruta a ouvert son tout premier showroom à Chisinau. Allez voir sur son profil Instagram plein de photos de ce lieu très authentique !
En guise de conclusion, je voudrais dire seulement que l’Europe fait toujours rêver ( les Anglais le savent mieux maintenant 😉 ), elle inspire et offre à ces citoyens la possibilité de réaliser leurs rêves. Je suis heureuse d’avoir Oxana comme amie et fière de porter les créations Kasandruta ( je porte des boucles d’oreille en velours Kasandruta ici ). J’espère que son désir de revenir dans la capitale européenne se réalisera et qu’elle trouvera alors un Strasbourg plus cosmopolite et plus ouvert, comme elle l’entend.